Stage Go et cinéma

Vous pénétrez dans un domaine taillé dans un rêve d’escale maritime. Du patio central à l’espagnole, tour du monde des essences : eucalyptus géant, palmiers du Pérou, palmiers gris du Mexique, cèdres du Liban, oliviers, cyprès d’Italie, arbres de Judée en fleurs et pins d’Alep qui penchent vers le rivage.  À travers les feuillages on  aperçoit la mer, tout près. Rythme nonchalant.
Ici, pas de grille horaire au carré,  mais il y a toujours quelqu’un pour amorcer une partie, de huit heures après minuit, et les joueurs en dan ne dédaignent pas les 10 kyu ou pire. Au long du jour, vous déplacez votre goban en suivant la courbe du soleil le long des terrasses, à l’abri du pigeonnier et des génoises à trois rangs. Woody, le chien berger fou de joie, et les enfants qui caracolent, vous protègent contre les excès du silence et les crises de sérieux.
Au deuxième jour, Wataru Miyakawa sensei, 7ème dan, engage une simultanée. Les jours suivants, il vous décortique les parties une à une, sur un goban vertical qu’on croirait découpé dans la carcasse métallique d’un vieux cargo échoué dans le port. Initiation à un jeu de haut vol inspiré du go cosmique de Takemiya Masaki. Philosophie :  “Le territoire? Je m’en moque”,  “Jouer avec son feeling”,  “Danser dans les étoiles.” Mieux vaut quand même, pour éviter la chute,  y mettre les (bonnes) formes.
La partie entre Stéphane Poisson et Naoko KumasakPour oublier ou ruminer vos mauvais coups, vous vous éclipsez par le sentier jusqu’à la plage. Plongeon le long du sentier sous-marin, parties de pétanque, belote de comptoir ou conversations débridées face aux falaises.Au creux de la vague, vous vous requinquez  à la longue table en plein air, avec les plats du chef cuisinier, très attentif à vos papilles et curieux des variantes suggérées par les gourmands. Il offre, avec chaleur, une cuisine vivement colorée  et parfois très raffinée (ah! le poulet sauce écrevisse, sa chair tendre dans le buisson de crustacés…).
Le soir, autre combat : autour de la boîte à films de David.  Choisir entre un long métrage et un film politique de Do (toujours rare ou interdit). Les jours avec, match de foot  ou de rugby sur écran high tech. Ici,  pas de consensus obligatoire : les récalcitrants ont le recours de la salle à côté pour une vieille toile  — en noir et blanc.
À mi-parcours, Naoko Kumasaka sensei, en escale entre Tokyo et Marseille, improvise tout sourire deux parties fantômes à réveiller les morts. Les joueurs en dan qui s’y frottent, Gilles et les deux Stéphane, s’inclinent devant le naturel  irrésistible des répliques de blanc.
Allegro. Arigato! À l’année prochaine!

Joëlle

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